Description
- Pourquoi avez-vous fait ça ? pleurnicha l’enfant en prenant le chien mort dans ses bras. Pourquoi avez-vous fait ça ? Il ne voulait pas la manger ! Bien au contraire, il voulait m’aider à la reconstituer. C’était la personne qu’il aimait le plus au monde, c’était sa maîtresse, c’était ma mère. Cela fait deux jours qu’elle est morte, et lorsque nous avons trouvé son corps, à quelques kilomètres d’ici, il lui manquait un bras. Je ne sais par quel mystère il s’est retrouvé sur ce tas d’ordures, mais cela fait deux jours que Pipo et moi cherchons. Vous comprenez, l’âme de ma mère, de plus en plus impatiente, attend au-dessus du corps. Elle m’a accordé jusqu’à demain matin pour lui ramener le morceau manquant faute de quoi, elle s’en irait, emportant dans l’au-delà l’empreinte d’un corps incomplet.» J.-R. Essomba est né au Cameroun. Il a précédemment publié chez Présence Africaine Le Paradis du Nord, Le Dernier gardien de l’arbre, Une Blanche dans le noir et Le Destin volé.Extrait du livre :Comme tous les enfants des rues, l’histoire de Bilâm était un long chapelet de souffrances. Mais, contrairement à ses autres petits camarades, sa situation prenait une dimension particulière à cause de son refus de se lier de façon durable à quiconque. Cette attitude l’avait exclu des bandes organisées au sein desquelles régnait une solidarité qui amortissait quelque peu les coups d’une existence cahoteuse.Si la plupart des enfants qui vivaient comme lui dans la rue arrivaient dans cet enfer après avoir déserté un taudis gouverné par des parents en dérive, Bilâm, lui, y était né et ne l’avait jamais quittée. Il connaissait donc les rues des Bas-Fonds mieux que n’importe qui. Comme un véritable petit animal des bois qui se sait traqué par de terribles prédateurs, pour survivre, l’enfant avait développé ses sens bien au-delà des normes humaines. Véritable nyctalope, il se déplaçait dans le noir avec une aisance extraordinaire. Même dans son sommeil, il percevait des bruits qu’un homme normal ne pouvait entendre avec la plus grande des attentions. Glissant comme un silure des eaux douces, bondissant et agile comme un chat, rapide comme l’éclair, Bilâm savait se faire insaisissable quand les conditions l’imposaient. Rien que par son flair, il avait appris à déceler les aliments avariés qui étaient réellement dangereux pour sa santé. Il avait en cela étonné plusieurs de ses compagnons occasionnels qui le voyaient préférer des choses complètement décomposées à d’autres en apparence saines. Et pourtant, on ne l’avait jamais vu se tordre de douleur à cause de ce qu’il avait mangé.
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